Bien gérer le retour des forces de vente dans les magasins

La fin du confinement signe la reprise des activités des forces de vente dans les magasins. Mais le management des commerciaux est à étudier de près, à la lumière des contraintes liées aux nouvelles réglementations sanitaires. L’Aria Sud fait le point avec son expert-référent « Commerce et distribution » Bernard Chauderon, et avec Mathieu Lajoinie, avocat spécialisé en droit social chez Jaberson.

Aria Sud : Bernard Chauderon, quelles sont les nouvelles organisations mises en place par les distributeurs dans l’accueil des forces de vente ?

Bernard Chauderon : La reprise est là, les commerciaux reprennent le chemin des magasins, notamment en grande distribution ; certains ne les ont d’ailleurs pas quittés. Les distributeurs ont mis en place des procédures pour optimiser les organisations avec leur salariés, leurs clients en magasins et les commerciaux des fournisseurs, ainsi, bien sûr, que les merchandiseurs, indispensables dans les PME. Les procédures sanitaires sont évidemment mises en place et leur respect par les commerciaux est exigé : port de gants, de masques, de visières, et parfois même prise de la température à l’entrée du magasin… Certains distributeurs exigent des prises de rendez-vous et le passage en point de vente impératif avant certaines heures, tôt le matin.

Aria Sud : Ces points clefs impliquent une nouvelle organisation du travail des équipes commerciales : quels conseils pouvez-vous donner aux entreprises ?

Bernard Chauderon : Les entreprises vont devoir s’emparer de plusieurs sujets. Il faut bien valider la protection des salariés commerciaux et des merchandiseurs, dans un premier pour eux-mêmes, mais aussi vis-à-vis des exigences des clients en points de vente. La difficulté sera de s’assurer et de prouver que les commerciaux ont bien à leur disposition tous les outils d’exigence sanitaire. Etant donné que les salariés itinérants travaillent à l’extérieur de l’entreprise, des questions se posent :  faut-il modifier leur contrat ? prévoir des mails datés avec photo pour la mise à disposition des kits hygiènes ? intégrer de nouvelles procédures hygiène pour cette catégorie de salariés ? Chaque entreprise dépend d’une convention collective différente, mais toutes vont devoir en compte cette nouvelle organisation qui implique parfois que les commerciaux démarrent leur action commerciale en magasin très tôt le matin, basculent en horaires de nuit…

Aria Sud : Mathieu Lajoinie, quelles sont les incidences juridiques de ce nouveau type d’organisation ?

Mathieu Lajoinie : Le maître mot est l’anticipation. Une situation d’épidémie impose une vigilance toute particulière dans l’intérêt des salariés et des entreprises. La présence des salariés nécessaires au fonctionnement de l’entreprise sera largement fonction de la capacité de l’entreprise à répondre aux inquiétudes des salariés et des assurances qui leur seront données d’être correctement protégés contre les risques spécifiques liés au virus. Cela est encore plus vrai pour les commerciaux. La première incidence juridique est donc liée à l’obligation de sécurité de l’employeur, comme l’a d’ailleurs récemment rappelé la décision de justice Amazon. Le document unique d’évaluation des risques devra impérativement être actualisé régulièrement afin de prendre en compte les effets sur la santé mentale des travailleurs engendrés par les changements d’organisation incessants (notamment avec la modification des plages de travail des salariés). Ce document unique devra par ailleurs être établi poste par poste afin de prendre en compte les risques particuliers encourus pour les salariés en contact avec le public. Le CSE devra également être consulté préalablement à la mise à disposition d’EPI (par exemple lors de la mise à disposition de masques), et une formation pratique et appropriée devra être dispensée aux salariés dont les conditions de travail les exposent à un risque de contamination accru.

Aria Sud : Faut-il prévoir un avenant au contrat de travail ?

Mathieu Lajoinie : Dans certains cas, l’employeur n’aura pas d’autres choix que de proposer un avenant au contrat de travail du salarié. Mais l’obligation de proposer cet avenant dépendra tout d’abord de la rédaction du contrat de travail initial, de la convention collective de branche applicable et des éventuels accords d’aménagement du temps de travail mis en place au sein de la Société. Une fois ces éléments analysés, l’employeur devra savoir si l’aménagement envisagé s’analyse en un changement des conditions de travail ou bien une modification du contrat de travail. La procédure ne sera en effet pas identique si l’employeur souhaite imposer un simple changement des horaires de travail sans modification de la durée, ou s’il souhaite mettre en place le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit, ou encore le passage d’un horaire fixe à un horaire variable. Une attention particulière devra être apportée aux salariés bénéficiant d’un contrat de travail à temps partiel et aux salariés protégés qui bénéficient d’une protection spécifique en la matière. Au risque de me répéter, l’anticipation jouera ici aussi un rôle clé, notamment au regard du délai de prévenance à respecter en cas de modification des horaires de travail.

Des questions ? Bernard Chauderon et Mathieu Lajoinie peuvent vous aider à y répondre. Contactez Fleur Masson – fleur@ariasud.com – 06 22 66 20 02